La lettre hebdomadaire de Café IA |
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Bonjour à toutes et tous !
Nous sommes le vendredi 7 novembre 2025. Bienvenue dans la lettre d’information de Café IA. Au menu de cette semaine : les résultats du mur de l’IA à NEC ✦ Mise à jour : la recette inratable, vraiment inratable ✦ La veille de Café IA : Le pic des médias sociaux est derrière nous… sauf pour les plus âgés ✦ La ressource de la semaine : OSINT Project, une plateforme pour apprendre à se protéger en ligne ✦ Et toujours la liste des prochains Cafés IA. Bonne lecture. |
Mur de l’IA à NEC : la médiation à l’IA en questions |
Le Mur de l’IA que nous avons produit pour Numérique en Commun[s] a rencontré un certain enthousiasme. Nombre d’entre vous sont repartis inspirés, bien décidés à le décliner dans leurs lieux et collectivités. C’était tout l’objectif. Mais il y en avait un autre : prendre le pouls des médiateurs et conseillers numériques sur leurs pratiques et celles de leurs publics. Voici donc les résultats du Mur. Prenez-les comme les résultats d’un sondage imparfait, qui nous dit quelque chose de la communauté qui était rassemblée là. Les résultats sont assez fidèles à ce que l’on entend souvent lors des Cafés IA. |
A la question « Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus avec l’IA ? », les perspectives sur le progrès scientifique reviennent effectivement souvent lors des Café IA, même si la question de la productivité de ceux qui utilisent l’IA est également très souvent exprimée. |
Sur les inquiétudes, les avis exprimés ont été plus homogènes, quand lors des Cafés IA, la question environnementale est bien souvent première. |
A la question sur la voie à tracer, la volonté à expérimenter est un peu plus marquée que la demande d’information ou d’encadrement. |
A la question « A qui demander le plus d'efforts pour encadrer l’IA ? », la demande de régulation de la part du régulateur est largement prédominante. On sera même surpris que le sondage montre que les gens attendent plus d’efforts des usagers que des entreprises. Faut-il lire ces résultats comme un constat que les entreprises ne font pas leur job et qu’il faut d’autres acteurs pour leur imposer des contraintes ou au contraire qu’elles ont trop de contraintes pour qu’on le leur en demande encore ? La question reste ouverte.
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Une grande partie des questions du Mur de l’IA à NEC était à destination des médiateurs et des conseillers numériques. A la question « de quoi avez-vous besoin pour accompagner vos publics ? » reviennent, largement en tête, le besoin de boîtes à outils et méthodes, de ressources et d’informations et de formations. Rien de surprenant à cette expression : les méthodes sont au cœur des activités de médiation, comme au cœur de l’activité de Café IA. On restera surpris du faible niveau du besoin de réseau d’entraide, alors qu’on l’entend souvent exprimé dans nos Café animations - les animateurs cherchant souvent des espaces d’échanges entre eux, pour partager leurs pratiques et astuces.
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Sur l’utilisation de l’IA pour accompagner leurs publics, on constate que tous les cas d’accompagnement ne s’y prêtent pas, mais que l’IA est bien devenue un outil auquel les conseillers numériques ont recours et certains avec assiduité. |
De même l’usage de l’IA par les Conums est plutôt fort : ils sont plus de 82% à l’utiliser pour eux-mêmes souvent ou en continue. |
Ce n’est pas le cas des publics qu’ils accompagnent bien sûr qui restent encore rares à avoir une utilisation forte de l’IA. |
A la question des usages de l’IA (que nous avons calquée sur les catégories de l’étude sur les usages de ChatGPT dont on vous parlait il y a peu), on constate que les animateurs disent avoir plutôt tendance à l’utiliser pour de l’écriture/réécriture alors qu’ils constatent que le public l’utilise surtout pour de la recherche d’information. |
Enfin, ils font part que leurs publics sont souvent inquiets et mitigés à l’égard du développement de l’IA.
Autant de constats assez proches de ceux que produisent les études d’usage comme celui du baromètre du numérique.
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A la question de savoir si les animateurs sont à l’aise pour animer un café IA, 50% se sentent plutôt à l’aise et 25% pas du tout ou peu à l’aise à l’idée.
Comme quoi nous avons encore du travail de médiation à assurer. Ça tombe bien, on est là pour ça.
En tout cas, rendre les résultats à la communauté, comme nous venons de le faire ici, termine et clôt le processus du Mur de l’IA. Notez que sur la page mise à jour du Mur de l’IA vous trouverez des conseils additionnels pour le réaliser et surtout un fichier vous proposant des visuels à adapter ou à imprimer pour réaliser votre propre mur de l’IA. N’hésitez pas à nous faire vos retours à bonjour@cafeia.org
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De retour de Strasbourg : un grand merci !
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L’édition 2025 de Numérique en Commun[s] à Strasbourg a été riche et festive. D’abord avec les Café IA que nous y avons animé, comme lors du Mega Café IA le plus festif de France, en compagnie de François Houste et Erwan Le Luron, créateurs des jeux Aïe Aïe IA et Microdystopies, avec la complicité de Catherine Mosser et de l’Alsace Hub. Les échanges ont également été intenses lors de la session sur l’avenir de Café IA organisé au cœur de NEC. La diversité des participants, entre associations, collectivités, conseillers numériques et entreprises, a illustré la vitalité d’une communauté toujours plus engagée pour rendre l’intelligence artificielle accessible à toutes et à tous, notamment pour envisager des supports accessibles et dédiés aux personnes en situation de handicap, et pour l’enseignement et les élèves.
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À NEC Strasbourg, les visiteurs ont également pu découvrir en avant-première le nouveau Jeu des imaginaires de l’IA, conçu avec la complicité de François Houste. Les premiers retours sont constructifs. La mécanique fonctionne plutôt, même si tout le monde n’est pas toujours très à l’aise avec certains jetons d’applications d’IA qu’ils ne connaissent pas nécessairement.
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Merci à toutes les équipes de la Mednum et de l’ANCT pour leur accueil. Merci à tous ceux qui sont venus échanger avec nous pour ces discussions et ces projets à continuer tous ensemble ! |
☕ Les actualités de Café IA
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Les prochaines sessions Café IA se dérouleront : -
Le 8 novembre à Dieppe, Bertrand Scache animera un Café IA sur le thème « IA et création artistique ».
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Le 8 novembre à Donzère, PIMMS Médiation – Portes de Provence vous donne rendez-vous à la Gare de Donzère de 9h à 12h. Plus d’informations au 📞 04 82 32 64 10.
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Le 18 novembre à Paris-Saclay, Christelle Honoré vous donne rendez-vous à la Médiathèque Cocteau, Place de France à Massy, pour un échange autour de la question « Qu’est-ce que l’IA ? ».
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le 19 novembre à Amiens et à Saint-Lô, organisés par Le réseau Canopé Hauts-de-France
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le 25 novembre à Alençon… et plein d’autres dates sur le mois de décembre organisés par Le réseau Canopé Hauts-de-France
Retrouvez également tous les Cafés IA PME-TPE France Num par ici, dont des sessions à Paris (75), CCI de la Vienne (86), Mairie de Giromagny (90), Communauté de Communes Beaujolais (69).
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🎨Les Cafés animation à venir !
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Vous souhaitez animer un Café IA ou partager votre expérience ? Participez aux prochains cafés animations en ligne, le jeudi de 13h30 à 15h pour découvrir des formats d’animation, des ressources pédagogiques sur l’IA et faire part de vos retours d’expérience. Un moment convivial pour s’inspirer et apprendre ensemble !
Jeudi 13 novembre : Le mur de l’IA, un format monumental pour donner de la visibilité aux actions numériques du territoire.
Jeudi 20 novembre : Jouer, informer, pratiquer : découvrir les formats d’animation de Café IA. Jeudi 27 novembre : Animer un Café IA pour les TPE PME avec France Num.
📅 Pour vous inscrire aux prochains échanges, c’est ici. |
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Atlas, le navigateur contre le web
OpenAI vient de lancer son navigateur, Atlas. « Le premier navigateur qui lutte contre le web », ironise l’entrepreneur Anil Dash. Dash tire 3 leçons de ses premiers tests. Atlas n’est pas un navigateur : il ne dirige pas ses utilisateurs vers le web. A une requête simple, il ne pointe même pas vers le site web le plus évident. Il donne l’impression de livrer des résultats provenant du web, mais, en fait, enferme l’utilisateur dans des résultats générés par l’IA. « C’est un anti-navigateur web », un fac similé de navigateur. Pour lui, le fait même de devoir formuler des requêtes est bien souvent une régression. « L'expérience utilisateur vous oblige à deviner les commandes à saisir au lieu de cliquer sur des liens ». Une critique qui pointe la perte du design qui n’est pas sans rappeler celles de Nolwenn Maudet ou de Ian Bogost. C’est une autre façon d’être anti web, estime Dash, ou de nier tout l’apport du design et des fonctionnalités numériques qui permettent à l’utilisateur de savoir où il se trouve et ce qu’il manipule. Enfin, l’expérience d’Atlas montre à l’utilisateur que ChatGPT n’est pas votre agent, mais que vous êtes l’agent de ChatGPT. Le navigateur garde ouvert, dans sa barre latérale, ChatGPT, lui permettant de surveiller vos activités et d’y accéder, comme d’accéder à des fichiers confidentiels… Avec Atlas, les cookies sont bien loin : le navigateur désormais surveille tout ce qui lui est rendu disponible. Quant à l’utiliser comme agent (une fonction réservée aux abonnés à OpenAI, rappelle Le Monde), Dash souligne qu’Atlas a bien trouvé le billet d’avion qu’il lui avait demandé, mais qu’il avait modifié la date… sans le dire.
« Ce qu’OpenAI a le mieux réussi à créer est la dépendance émotionnelle chez ses utilisateurs », et il est probable qu’Atlas la prolonge. Pour Dash, « l'IA consiste en grande partie à démanteler la conception originale du web ». « Le plus inquiétant, c'est qu'Atlas semble si familier et si inoffensif que les utilisateurs le prendront pour un navigateur web convivial, comme les autres outils qu'ils utilisent depuis des années. Or, Atlas est un navigateur qui lutte activement contre le web et, ce faisant, il s'oppose à l'idée même que vous devriez contrôler ce que vous voyez, où vous allez et qui vous observe pendant que vous y êtes ». L’intégration des super-assistants au cœur même de notre navigation risque bien plus de nous transformer en super assistés qu’autre chose, ironise le chercheur Olivier Ertzscheid.
Pour The Atlantic, le journaliste Matteo Wong se désole. « Le lancement d'un navigateur web semble en décalage avec la vision d'OpenAI, qui se présente comme un laboratoire d'IA révolutionnaire, et non comme une entreprise technologique traditionnelle. OpenAI est contrôlé par une association à but non lucratif dont la mission fondatrice est de garantir que l'IA surpuissante profite à toute l'humanité ». Il y a seulement un mois, Altman déclarait dans une interview qu'OpenAI pourrait un jour utiliser l'équivalent de la consommation d'électricité d'une grande ville pour alimenter des centres de données d'IA capables de « guérir le cancer » ou « d’offrir une éducation gratuite à tous les habitants de la Terre ». A la place, OpenAI vient de lancer un clone de Tiktok particulièrement problématique et un navigateur basé sur Chromium, sans originalité. Altman propose un avenir de science-fiction, mais son entreprise enchaîne des produits et des modèles économiques du passé, cingle Matteo Wong.
Les contenus génératifs dépasseraient les contenus produits par les humains
D'après un récent rapport de la société de référencement Graphite, le nombre d'articles générés par l'IA en ligne a dépassé celui des articles rédigés par des humains. Via Axios. |
Le pic des médias sociaux est derrière nous… sauf pour les plus âgés
Alors que les plateformes de médias sociaux sombrent peu à peu dans le slop, sans grande surprise, les utilisateurs s’en détournent, explique le Financial Times. Les médias sociaux semblent être passés du lieu où il fallait être vu à celui peuplé de ceux qui n’ont rien de mieux à faire. Et la démultiplication de vidéos génératives absurdes pourrait accélérer le mouvement. Pour le journaliste John Burn-Murdoch, sur les médias sociaux, nous sommes en train de passer à la junk food de la pensée, avec « des contenus ultra-transformés, riches en dopamine, avec au mieux une valeur informative négligeable, au pire une négativité corrosive ». Malheureusement, ces contenus rencontrent un franc succès, notamment parce qu’ils flattent les instincts primaires. Reste que ce plaisir coupable et bizarre à se vider le cerveau dans le slop, semble mal se marier avec les plateformes sociales et commence à rebuter le public.
Le temps passé sur les réseaux sociaux a atteint un pic en 2022 avant de connaître un déclin constant. Dans les pays développés, les adultes de 16 ans et plus passaient en moyenne deux heures et vingt minutes par jour sur les plateformes sociales fin 2024, soit une baisse de près de 10 % par rapport à 2022. Ce déclin est particulièrement marqué chez les utilisateurs les plus assidus : les adolescents et les jeunes adultes. À bien des égards, les nouvelles plateformes de médias sociaux génératifs de Meta et OpenAI (le contenu généré par l'IA est déjà très présent sur TikTok et YouTube) constituent l'aboutissement logique de l'évolution « perverse » des médias sociaux : d'un lieu d'échange de nouvelles avec ses proches, ils sont devenus des espaces où les interactions humaines se raréfient. Nous assistons aujourd'hui à la transformation des médias sociaux en médias antisociaux, avec la disparition progressive de la plupart des utilisateurs actifs et le remplacement constant des interactions réelles par le défilement incessant.
La part des personnes déclarant utiliser les plateformes sociales pour rester en contact avec leurs amis, s'exprimer ou faire de nouvelles rencontres a chuté de plus d'un quart depuis 2014. Parallèlement, « l'ouverture machinale des applications pour occuper son temps libre a augmenté, reflétant une dérive plus large et pernicieuse d'une navigation consciente vers une navigation machinale ». Les médias sociaux à un stade avancé constituent un cas particulièrement flagrant de « détournement » des plateformes numériques, qui recourent à des méthodes toujours plus désespérées pour capter l'attention. Nombre de ces applications ne sont plus vraiment des applications sociales au sens propre du terme : ce sont des applications qui maximisent le temps passé devant l’écran, utilisant tous les moyens possibles pour grappiller quelques secondes et minutes. Il serait extrêmement positif de constater que nous n’avons pas seulement atteint le point de saturation des médias sociaux, mais que l’expérience s’est tellement dégradée qu’elle a sorti les gens de leur torpeur et les incite à adopter des usages plus sains de leur temps. Mais c’est là que le bât blesse. Il existe une exception notable à cette tendance internationale prometteuse : l’Amérique du Nord, où la consommation de ce « régime de rhétorique extrême », d’appâts à engagement et de contenus superficiels propre aux médias sociaux continue de progresser. En 2024, l’usage des réseaux sociaux avait atteint des niveaux supérieurs de 15 % à ceux de l’Europe. Les preuves que les médias sociaux sont néfastes sont très controversées estime John Burn-Murdoch, mais ces débats omettent souvent de prendre en compte la transformation fondamentale de ces plateformes, à savoir qu’elles sont passées « d’espaces de connexion à des lieux d’isolement et de distraction ».
Jacobin complète le tableau. Si le pic des réseaux sociaux semble derrière nous, ce n’est pas le cas pour les plus de 65 ans. Étonnamment, ce sont les jeunes qui se détournent le plus des réseaux sociaux (voir notre brève sur le Delete Day). Selon les données du Pew Research Center, les adolescents sont de plus en plus critiques à l’égard des réseaux sociaux et 45 % d'entre eux estiment passer trop de temps sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas le cas des plus de 65 ans, qui, eux, semblent de plus en plus accros aux réseaux sociaux. Selon The Economist, les patients des cliniques spécialisées dans le traitement de la dépendance aux écrans sont de plus en plus âgés. Alors que la panique morale à fermer l’accès aux médias sociaux aux plus jeunes s’empare de la planète, en élargissant les mesures de vérification d’âge et de contrôle parental, c’est une autre génération, moins remarquée, dont le temps passé sur les écrans explose. Les plus âgés sont depuis longtemps de grands consommateurs d’écrans, notamment de télévision… En Grande-Bretagne, les plus de 75 ans passent plus de 5 heures et demie par jour à regarder la télé, soit 5 heures de plus que les 16-24 ans. Alors qu’il y a dix ans, seul un cinquième des Américains de plus de 65 ans possédaient un smartphone, désormais, les plus âgés ont rattrapé leur retard. Ils ont même souvent plus d’appareils que les moins de 25 ans, notamment parce qu’ils en ont plus les moyens. Et la génération de retraités qui arrive (les 55-54 ans) sont encore plus équipés. « Avec la démocratisation des appareils numériques, le temps passé devant les écrans par les personnes âgées augmente. Au lieu de remplacer le temps consacré à d'autres médias, les téléphones et les tablettes semblent s'y ajouter. Au cours de la dernière décennie, la consommation de télévision et de radio chez les quinquagénaires et les sexagénaires est restée stable, tandis que le temps passé sur les réseaux sociaux, les jeux vidéo et le streaming audio a augmenté. L'Ofcom a constaté que l'année dernière, les Britanniques de plus de 65 ans passaient plus de trois heures par jour en ligne sur smartphones, ordinateurs et tablettes. C'est deux fois moins que les 18-24 ans. Mais, si l'on combine télévision et appareils connectés, les retraités passent plus de temps devant les écrans chaque jour que les jeunes adultes. »
Dans les pays où cette tendance est la plus marquée, on commence à s'inquiéter des utilisateurs de smartphones âgés de la même manière que des adolescents. Une étude menée en 2022 en Corée du Sud, pays où le taux d'utilisation des smartphones est parmi les plus élevés au monde, a estimé que 15 % des 60-69 ans présentaient un risque de dépendance au téléphone.
Pour Jacobin, « de manière inquiétante, les plus de soixante-cinq ans sont deux fois plus susceptibles de s'informer via les contenus racistes et sexistes incendiaires qui pullulent sur les réseaux sociaux ». Au Royaume-Uni, une étude de Politics Home a révélé que les membres de Reform, parti d'extrême droite inspiré par le mouvement MAGA de Donald Trump, sont en grande majorité des hommes âgés, issus de la classe moyenne. Ils sont également plus enclins à s'informer via les réseaux sociaux (comme Facebook ou X) que les électeurs des autres partis. « Cette radicalisation des hommes âgés par la nouvelle droite est en partie alimentée par la désinformation en ligne. Des plateformes comme Facebook et X regorgent de propos xénophobes non modérés, destinés à attiser la peur et la paranoïa et à présenter la société comme si elle était au bord d'une catastrophe imminente ». Les plus âgés ont tendance à être radicalisés par les programmes télé d’information qu’ils regardent en continu comme par leurs usages des réseaux sociaux.
« Quinze ans après l'adoption massive des médias sociaux, il est clair que l'un des principaux effets de ces plateformes a été de marchandiser le lien social, tout en isolant les individus et en les rendant incapables de faire confiance - sapant ainsi les liens sur lesquels repose tout projet collectif », conclut l’article de Jacobin. « Nous vivons de plus en plus dans des sociétés où les interactions sociales intergénérationnelles sont rares. Qui plus est, l'inflation, la hausse des loyers et l'augmentation du coût de la vie rendent plus difficile et plus onéreux le maintien de nos activités « hors ligne ». Construire des mouvements sociaux et politiques capables d'améliorer la vie des gens nécessitera d'inclure celles et ceux qui se sont habitués à l'isolement et au faux confort que procurent les espaces numériques. Nous devrons tendre la main aux personnes les plus en colère et les plus isolées. »
Mais les présupposés que nous avons sur les utilisateurs les plus âgés d’internet méritent d’être certainement mieux questionnés. C’est justement ce que proposent la sociologue Eszter Hargittai et le professeur de droit John Palfrey dans un nouveau livre Wired Wisdom : How to Age Better Online (Sagesse connectée : mieux vieillir en ligne, Chicago University Press, 2025, non traduit). Alors que les + de 65 ans sont en passe de devenir la catégorie d’âge dominante en ligne, cette population reste sous-enquêtée, estime Hargittai et Palfrey, qui avaient surtout enquêté jusqu’à présent sur les plus jeunes. Or, les pratiques numériques des plus de 65 ans sont celles qui se sont le plus développées. Aux États-Unis, ils étaient 12% à détenir un smartphone en 2012 contre 61% en 2021. Si les taux d’équipement et les types d’usages restent moins développés que les plus jeunes et qu’ils varient selon les revenus et le niveau d’éducation, ces usages là méritent d’y porter un nouveau regard.
Dans une interview pour la Gazette de Harvard, Palfrey explique ainsi que nous avons beaucoup d’idées reçues sur les pratiques numériques des plus âgés. « On imagine souvent les personnes âgées totalement vulnérables, constamment victimes d'escroqueries en ligne. Or, les données montrent le contraire. Les seniors sont plus méfiants que les jeunes face aux arnaques, et non l'inverse. En fait, leur expérience et leur vécu leur permettent de se prémunir efficacement contre les arnaques en ligne. Si les statistiques révèlent que les personnes âgées sont bien plus ciblées que les jeunes, c’est parce qu'elles ont généralement plus d'argent, sont parfois moins à l'aise avec les nouvelles technologies et souffrent parfois de troubles cognitifs. En résumé, les seniors ne sont pas totalement impuissants face aux arnaques. Ils sont simplement confrontés à des difficultés bien plus importantes, et nous ne leur offrons pas la même formation ni le même soutien qu'aux jeunes. Résultat : certains sont des proies faciles. Si nous considérons les personnes âgées comme ignorantes, nous ne partons pas sur de bonnes bases pour identifier les interventions appropriées, qu'il s'agisse de modifier la conception des technologies, de créer de nouvelles lois ou d'intervenir en tant que membres de la famille ».
Palfrey rappelle encore que les personnes âgées sont beaucoup plus réticentes à partager des informations personnelles en ligne, sur les réseaux sociaux comme via les dispositifs médicaux. Mais plus qu’un problème de confiance, suggère-t-il, nous développons encore trop souvent les technologies sans prendre en compte leurs besoins. « On entend souvent dire que lorsque nous prenons en compte les personnes handicapées dans la conception de nos villes et de nos bâtiments, nous finissons par améliorer la situation pour tous. Il en sera de même pour la conception technologique : elle deviendra plus universelle à mesure que nous concevrons pour les personnes âgées ».
Lundi 10 novembre de 16h à 17h, Eszter Hargittai sera l’invitée du Centre internet et société pour un échange en ligne sur son ouvrage. Inscription.
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💡 La ressource de la semaine |
Jeu : OSINT Project OSINT Project est une plateforme ludo-pédagogique pour les collégiens et lycéens pour sensibiliser les élèves du secondaire aux enjeux d’hygiène numérique, aux bonnes pratiques sur le web et faire le premier pas vers la découverte des métiers de la cybersécurité. |
On a besoin de vous !
Et vous quelles ressources mobilisez-vous le plus souvent ? On est persuadé que vous connaissez bien plus de jeux, de ressources utiles que nous. Quel outil vous est indispensable pour animer vos ateliers ? Quelle ressource avez vous mobilisé avec succès ?
N’hésitez pas à nous en signaler en nous écrivant à bonjour@cafeia.org afin que nous les repartagions à tous. |
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